Un entre-deux de la Modernité: paysage de quartiers de logements collectifs à Hanoï et Oulan-Bator

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Maria Anita Palumbo
Olivier Boucheron

Résumé

La forme globalisée de tours et d’immeubles d’habitation, accueillant des logements attribués ou à loyers subventionnés, nous intéresse à double titre : à la fois en tant que forme urbaine imposée qui provoque une standardisation accrue du mode de vie et, également, en tant que support de multiples formes de réappropriations et d’extensions des espaces de vie produites par les habitants eux-mêmes. Afin de mieux saisir toutes ces formes qu’a pu prendre la « créativité dispersée » de l’Europe à l’Asie, de l’Afrique aux Amériques, cet article propose deux cas d’étude, le premier est le microdistrict d’Ulaanbaatar en Mongolie et le second, le quartier d’habitat social Kim Liên d’Hanoï au Vietnam, afin d’y analyser les rapports conflictuels et/ou les interactions entre standardisation et différenciation, contrôle et transgression, uniformisation et invention dans des contextes géo-sociopolitiques différents. Ces productions infraordinaires de l’espace sont analysées comme autant de formes d’émancipation par rapport à la modernité et à sa manière de produire l’habitat et l’habiter.

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Maria Anita Palumbo, ENSASE/LAA/LAVUE

Maria Anita Palumbo est Maître Assistant Titulaire en SHS à l’Ecole d’Architecture de Saint-Etienne, docteur de l’EHESS en anthropologue sociale et ethnologie, membre du LAA/LAVUE/CNRS. Elle s’intéresse à la relation entre ville et altérité en privilégiant comme terrains d’enquête les situations urbaines à la marge, sociale et spatiales, qu’elle appréhende dans leur relation au centre (LECADET, C ; PALUMBO, M. ; SCALETTARIS, G. ; VALLET, A.-C. ; AGIER, M. 2015. « Dans l’épaisseur des frontières », dans Connaissances no(s) limit(es). Les actes du Congrès 2011 d’ethnologie et d’anthropologie. ehess, Paris, 21-24 septembre, Paris, Association Française d’Ethnologie et Anthropologie, Paris, p. 472-473. Consultable : http://afea2011.sciencesconf.org [disponible le 21 avril 2016]). Entre 2012 et 2015, elle a enseigné à l’ENSAPLV dans les cours de projet urbain et architectural dirigés par Olivier Boucheron, intervenant notamment dans les Ateliers Internationaux sur la thématique des grands ensembles et de leur « situation » contemporaines en Europe, en Asie et en Afrique. Elle s’interroge sur les processus de transformation urbaine observés grâce à un travail ethnographique et à une problématisation anthropologique. (Palumbo, M. 2014. « Urban transformation, social transition : Barbès, Paris, where ‘otherness’ takes (public) place », dans A. Madanipour, S. Knierbein, A. Degros (sous la dir. de), Public Space and the Challenges of Urban Transformation in Europe, Routledge). Elle s’est intéressée aussi à la question de la circulation des modèles de production de la ville entre Europe, Chine et Afrique (Palumbo, M. ; Coralli, M. 2011. « Entre singularité et similitude : Cotonou, une ville en changement », Lieux Communs, Les Cahiers du LAUA, n° 14, p. 69-93) et les différentes manières de mener une enquête interdisciplinaire sur les transformations urbaines des grandes capitales contemporaines. Elle porte un intérêt particulier à la méthodologie en SHS appliquée à l’enquête en milieu urbain (Palumbo, M. 2012. « Anthropologie urbaine : Quoi ? Pourquoi ? Comment ?», JUL – Journal of Urban Life, n° ½, p. 4-7) et à ses outils sensibles (Gatta et Palumbo, 2014).

Olivier Boucheron, ENSAPLV/LAA/LAVUE

Olivier Boucheron est architecte (atelier nelobo, créé en 2009 avec Rozenn Boucheron-Kervella), Maître Assistant Titulaire en Ville et Territoire à l’ENSAPLV et chercheur membre du LAA/LAVUE/CNRS. De 1999 à 2005, entre voyages et préparation de son diplôme d’architecte, puis d’un DEA en géographie culturelle à l’EHESS sous la direction d’A. Berque, O. Boucheron se rend à plusieurs reprises d’abord à Hanoï, dans les quartiers de logements collectifs, sur lesquels il produit un documentaire en 2002 (Lignes de fuite 0.1 : KTT Kim Liên), puis à Oulan-Bator, dans le quartier central de Gandan, où il étudie une autre façon de fabriquer la ville, par la marge. Ces deux expériences de terrain et d’analyse du « faire ville autrement » dans des métropoles asiatiques jettent les bases de sa réflexion à la fois sur l’infraordinaire, et sur la production de la ville, entre modèles imposés, modèles engrammés, mémoires collectives et inventions citadines. Dans son article La ville de feutre ( BOUCHERON, O. 2009. « La ville de feutre », Lieux Communs. Les Cahiers du LAUA, numéro spécial « L’altérité, entre condition urbaine et condition du monde », n° 12, pp. 55-75.), il s’interroge sur la forme et l’évolution des quartiers de yourtes qui s’installent et s’insinuent dans les hiatus de la ville constituée à l’époque soviétique. Cette réflexion se prolonge dans La ville d’après (BOUCHERON O. ; HOMMAGE, L. 2013. « La ville d’après. État(s) et devenir(s) du ger khoroolol à Ulaanbaatar », dans T. Ter Minassian (sous la dir. de). Patrimoine et architecture des états post-soviétiques, Rennes, PUR, p. 289-305). Depuis quinze ans, le lien affirmé entre recherche, enseignement et pratique opérationnelle détermine la démarche d’O. Boucheron et colore sa production qui a été saluée en 2008 par le Ministère de la Culture (lauréat des NAJA – Nouveaux albums de la jeune architecture). En 2010, il est pensionnaire à la Villa Kujoyama à Kyoto (Japon) où il questionne, avec le projet des Affinités sélectives, les relations entre nature et technique. La complexité du réel nous rappelle régulièrement qu’il est totalement illusoire d’envisager l’architecture comme une discipline autonome et de la résumer au seul exercice du Projet : d’autres façons de faire et, justement, de se projeter, restent à imposer.