Sur la via Gluck. Adriano Celentano comme critique architectural

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Erik Wegerhoff

Résumé

Cet article propose de considérer la pop star italienne Adriano Celentano comme critique d'architecture, à travers une lecture rapprochée des paroles de ses chansons et une écoute attentive des mélodies et arragements. Son tube emblématique, Il ragazzo della via Gluck (litt. “Le garçon de la Via Gluck”, 1966), n'est pas la seule chanson où le chanteur–compositeur critique l'architecture et l'urbanisation modernes; son I Want to Know (litt. “Je veux savoir”,1976) décriant le manque d'espace dans les appartements modernes est, au moins au niveau national, tout aussi célèbre. Je soutiens qu'au manque évident d'expertise de cette critique pop, correspond un gain en proximité avec le public et une conscience aigüe de l'expérience de l'architecture au quotidien. Ce qui importe plus, Il ragazzo della via Gluck a mis le doigt sur la réalité suburbaine des villes italiennes d'après-guerre bien avant que le débat professionel ne soulève la question. Avec son ton polémique pointu et son rejet des préoccupations et terminologies professionnelles, la critique de Celentano apapraît plus savant que le discours expert, et se plaçait en fait à la pointe de la critique postmoderne.


D'un intérêt tout particulier, l'incompétence architecturale de Celentano n'a d'égal que ses compétences musicales. Déjà le titre de I Want to Know dénonce son manque de connaissance, dans ce cas l'incapacité d'un individu lambda à saisir les tenants et aboutissants de l'architecture moderne. La musique de Celentano, d'autre part, reflète parfaitement la composition et la réalité vécue des quartiers et lotissements résidentiels qu'il critique, avec sa répétitivité prononcée et son rythme lent à l'ennui. Cet article analyse ces aspects, examinant les thèmes et stratégies principaux, musicalement comme textuellement, du critique Celentano.


Je postule la nécessité d'étendre la notion comprise sous le terme "critique architecturale" et ses acteurs au-delà des seules revues et critiques de profession, pour y inclure les chansons pop et les compositeurs–interprètes, ne fusse que pour leur capacité à toucher des publics hors de la portée de la discipline architecturale, ce qui souligne leur statut central d'acteurs du débat sur l'architecture au-delà des cercles d'élite.

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Biographie de l'auteur

Erik Wegerhoff, Institut fuer Geschichte und Theorie der Architektur (gta), ETH Zurich

Erik Wegerhoff is a senior assistant at the Institute for the History and Theory of Architecture (gta) at ETH Zurich, Switzerland. Previous academic interests in Italy have centred on reinterpretations and reuses of the Roman Colosseum after Antiquity (2012. Das Kolosseum: Bewundert, bewohnt, ramponiert, Berlin, Wagenbach) and travel culture from the Grand Tour until today (with KAPPEL, K. (eds.) 2019. Shifts in Perspective: Architects’ Travels to Italy in Modern and Contemporary Times, Munich, Hirmer). He regularly publishes architecture criticism articles in the German magazines Baumeister and Topos, and is currently working on a book about the automobile in twentieth-century architectural discourse.