Quand la vie prend le dessus. Les interactions entre l’utopie bâtie et l’habiter
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Résumé
La diffusion, au cours du XXe siècle, du modernisme comme style, et de la modernité comme un ensemble d’aspirations prêtes à l’emploi, a été fondamentalement remise en question dans la pratique. En particulier dans le Sud planétaire, cette approche architecturale n’a pas maintenu sa promesse d’amélioration des conditions de vie pour tous, et a été contestée par des modernismes alternatifs. Les perspectives transculturelles récentes sur le sujet ont démontré que l’usage est une forme profonde de critique au modernisme dans sa phase de réception. À travers le processus d’usage, les architectures sont appropriées par les usagers, mais deviennent également plus « appropriées ».
Cette introduction trace un cadre conceptuel et méthodologique utile à appréhender la question des capacités performatives spécifiques aux espaces modernistes, et à établir la cohérence des nombreux cas d’étude présentés dans le dossier thématique « Modernisme(s) approprié(s) ? ». Dans la lignée de Lefebvre, l’appropriation se confirme être un concept essentiel à la compréhension de l’agentivité des libertés individuelles et collectives exercées dans l’environnement physique et naturel. Poussant la réflexion menée par Pinson, selon lequel l’appropriation se présente en réaction aux limitations de liberté imposées par les structures modernistes, les auteures soulignent l’importance de comprendre les interactions entre les utopies bâties et le vécu de leurs habitants. Cette interaction est alors considérée comme un genre créatif en soi, par extension de ce que Bhabha, lui-même inspiré par les idées de Fanon, identifie comme un troisième terme hybride [entre pouvoir dominant et lutte d’émancipation] résultant d’une instabilité productive dans la création de sens.
Les contributions à ce dossier sont brièvement présentées, à partir de la perspective de l’appropriation depuis laquelle elles tentent, chacune à leur manière, de traiter la nature des pratiques spatiales qui ont été le moteur de transformations d’architectures modernistes, tout comme la manière dont certains projets ont encouragé la re-signification par les habitants. Ces contributions abordent ainsi différents contextes, échelles (de l’édifice aux paysages) et temporalités, faisant émerger des « assemblages » qui comprennent des occupations temporaires et permanentes de bâtiments publics à Buenos Aires et Johannesburg ; des métabolismes générés par des mégastructures en Corée du Sud et au Venezuela ; des tissus urbains à la grammaire générative d’évolution incrémentale à Lima, Cansado et Zouerate ; et des coexistences ambivalentes du modernisme avec les coutumes, pratiques spatiales et cultures de l’habiter locales au Bénin, au Vietnam et en Mongolie.
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